mercredi, mars 28, 2007

50 ans et en panne

50e anniversaire. Voici le temps des invocations à la déesse Europe. Tous les hommes politiques de gauche ou de droite nous en parle comme de notre « Manifest Destiny ».

Mais les commentaires entendus ici et là ne relèvent guère d'une analyse objective du passé et d'une vision lucide pour l'avenir. Les uns voient les démons de la mondialisation et les autres poursuivent leurs mythes supranationaux. Dans toute cette cacophonie le citoyen est dans l'incapacité d'entendre une voix directrice simple et cohérente.

L'Europe s'est créée en 1957 dans des conditions structurelles qui aujourd'hui sont totalement différentes. À la fois sur le plan géopolitique et sur le plan économique. Il conviendrait d'en prendre conscience et d'en tirer des conclusions. Mais cela semble beaucoup demander aux uns et aux autres.

L'Europe a trouvé sa motivation initiale dans un ardent désir de paix, puis le facteur le plus immédiatement contraignant a été la peur face à la nucléarisation de l'ours soviétique. On est ensuite passé à l'acte concret grâce à l'appui américain et au parapluie qu'il comprenait. La disparition de la menace soviétique annule ce principal élément de cohésion géopolitique. Le grand pays de l'Est n'est plus un repoussoir. Il est même devenu pour certains, attirants. Quelques pays de l'Union ont besoin de lui pour leur énergie, certains trouvent leur avantage à jouer la Russie contre l'Amérique, suivez mon regard. Pour d'autres pays, la Russie restera toujours un ennemi irréductible. Et beaucoup des membres de l'Union Européenne ne font confiance qu'aux États-Unis pour leur sécurité. Poursuivre la rhétorique sur les chimères supranationales n'a donc qu'un seul avantage l'autoglorification des "politicos", à moins que ce ne soit pour "entretenir la galerie" ou tout simplement la promotion systématique de l'Etatisme. Ceci pour l'aspect géopolitique.

Sur le plan économique le marché commun s'est appliqué initialement au charbon et à l'acier puis à l'industrie et enfin à l'agriculture. Ces activités constituaient la partie majeure, les deux tiers à trois quarts, du PIB des nations fondatrices, le reste étant dû aux services. Aujourd'hui le rapport dans le PIB est inverse. La place de l'ensemble des services dans l'économie des grands pays européens s'élève à 75 % voire 85 %, l'industrie et l'agriculture s'en trouvent réduits proportionnellement d'autant. C'est dire qu'aujourd'hui le Marché Unique n'intéresse finalement qu'une part mineure de l'activité économique européenne.

Et cependant cette Europe-là nous a valu un extraordinaire succès au cours de ces 50 dernières années en matière de progrès économique et d'élévation du niveau de vie, pour l'avancement de la démocratie tout autour de nous, et pour la consolidation de la paix. Et ceci malgré les insupportables dérives bureaucratiques (qui sont autant d'atteintes d'ailleurs à une véritable libéralisation).

Ce "miracle" européen est dû tout simplement à l'application du principe du libre-échange établi dans le Traité de Rome. Peu d'hommes politiques dans nos nations sont véritablement prêts à le reconnaitre et mettre ce facteur en évidence, considérant probablement que c'est leur action technocratique à Bruxelles qui en est la cause. Pourtant ce principe apparaît, à l'expérience d'un demi-siècle de croissance, comme le vrai succès de l'Europe et sa vraie vocation.

Si la libéralisation de l'industrie et de l'agriculture a tant fait pour le bien du citoyen européen, la conclusion est alors évidente. Son élargissement s'impose à ce qui constitue aujourd'hui la part majeure (et croissante) de nos activités, celles des services. Voilà la nouvelle ambition pour l'Europe. C'est également la plus prometteuse pour une intégration meilleure et plus approfondie, car elle favorise, plus encore que les activités traditionnelles, le brassage et les contacts, facteurs de paix et de cohésion.


Mais nous sommes à l 'heure de la frilosité et du repli sur soi, voire du nationalisme c'est dire que cette vision n'est guère d'actualité.


vendredi, février 23, 2007

Une mère aimante au pouvoir !

Madame Royale, je ne suis ni beau, ni riche, ni jeune et cela me plonge dans un état de frustration avancé. C'est vraiment insupportable.
« Vous avez raison » répond Mme Royale c'est une situation inadmissible, à laquelle je ferai face quand je serai présidente, vous pouvez compter sur moi.
Comment allez-vous faire ? demande une voix timide au fond de la salle.
Nous réunirons les professions concernées et dans le cadre d'un grand débat participatif des solutions seront apportées à ces problèmes, vous pouvez me faire confiance !

Avec son éternel sourire, qui ne manque pas de se crisper de temps à autre quand quelqu'un la contrarie, c'est ainsi que notre candidate socialiste va faire notre bonheur à tous quels qu'ils soient, les bons et les méchants, les travailleurs et les paresseux, les bien-portants et les scrofuleux, etc. Elle fera régner sur la France « un ordre juste » grâce à son autorité maternelle. Elle a bien dit qu'elle en ressentait l'impérieuse nécessité et la capacité au plus profond de sa chair. À noter en passant que tout en étant maternelle, l'autorité ne manquera pas, ainsi que son désir de discipline. Attention à ceux qui se rebelleront !

Ceux qui souhaiteraient savoir les moyens et méthodes pour parvenir à des objectifs aussi nobles et souhaitables n'ont qu'une seule ressource : faire confiance à Mme Royale à son style ou son intuition, mais guère à sa compétence, car elle a démontré à de multiples reprises son ignorance abyssale en matière économique et sa méconnaissance dangereuse des questions géopolitiques.

Comme Mitterrand, son gourou politique dont elle partage le cynisme, elle considère la compétence inutile pour gérer les affaires de la France, car l'objectif est de collecter les voix et d'agir comme il plaît aux électeurs. Nous avons en fait, selon l'expression d'Alain Duhamel, « une candidate miroir ». On pourrait dire aussi que son ambition se limite à être une « échocrate », c'est-à-dire renvoyer l'écho de l'opinion publique.

Qu'à cela ne tienne, disent les optimistes ou ceux des socialistes qui veulent y croire. « Elle aime, pourquoi faudrait-il en plus qu'elle pense ? » * Elle s'entourera des compétences suffisantes et il n'en manque pas.

Malheureusement une observation attentive ainsi que des histoires de coulisses nous enseignent qu'elle ne veut ou ne sait pas faire appel aux experts qui se sont d'ailleurs souvent offerts à l'aider (voir notamment la lettre ouverte d'Eric Besson). Gérée par ses émotions et ses intuitions, elle joue perso ! Pourrait-on dire en langage sportif. Etre un temps la « madone des sondages » lui est monté à la tête. Les sondages maintenant changent quelque peu, est-ce qu'elle changera elle-même ? On peut malheureusement en douter.

Porter une femme à la plus haute magistrature aurait pu être une belle victoire contre le machisme ambiant. Encore faudrait-il qu'elle ne joue pas dans le registre maternant et qu'elle arrive à nous convaincre « par la force de ses propositions et l'évidence de son talent »*. On en est loin !


*citations de Marcela Iacub.

dimanche, février 11, 2007

Démagogie participative.

La démocratie participative, tout le monde en parle. C'est la plate-forme de combat de la Candidate. Cette idée est considérée comme une grande avancée politique. Et les foules qui ont besoin d’illusion s’emballent.

Je dirai tout net ma pensée : il s'agit là d'une véritable escroquerie intellectuelle basée sur le populisme le plus misérable et pire peut-être, un instrument au service de la tyrannie de minorités actives.

La démocratie participative est supposée donner la parole aux citoyens et guider l'action des dirigeants. Il s'agirait semble-t-il de créer des groupes de concertation et de co-décision.

Rien n'est dit cependant en ce qui concerne les thèmes réservés à ces débats. S'il s'agit de débattre de la propreté municipale et du sort des crottes de chien, il n'y a pas trop de problème.

Mais l’ambition affichée est démesurée. Car s’il s'agit de traiter du pouvoir d’achat, du déficit de la Sécurité Sociale, de la médiocre croissance de la France, de son chômage structurel, de ses déficits budgétaires et de commerce extérieur, de l’immigration, etc., le problème change considérablement de nature.

Dire que les citoyens sont des « experts légitimes » de ce type de question c'est prendre les gens pour des idiots ou bien vouloir les leurrer pour mieux les soumettre, conduire et diriger.

Il est impossible que le citoyen participant, même honnête ait une vue objective de l'intérêt collectif sur ce type de débat puisqu'il est à la fois l'usager de services publics, contribuable, professionnel éventuellement affecté, etc. Il est évident qu’il ne peut avoir une vue impartiale, objective et constructive à l'échelle collective, sachant qu'il est bien connu que chacun d'entre nous voit midi à sa porte et que les intérêts corporatistes dominent.

Viennent ensuite trois autres écueils graves :

Qu’est-ce qu’il se passe pour les citoyens qui ne participent pas. Ils n’ont pas pu. Ils se considèrent incompétents. Ils n’ont pas confiance ou font partie des « soumis sociaux ». Les voilà irrémédiablement marginalisés.

Puis il y a pour l’animateur des débats, l’impossibilité technique de pondérer à leur juste valeur et intégrer tous les avis pour une synthèse équilibrée et représentative, même avec l'aide des nouvelles technologies de l'information,

Et pour que cette synthèse soit honnête il ne faudrait prendre en compte que les interventions des citoyens consultés. Tache également impossible compte tenu du caractère informel et forcément confus de ces débats. Les parti-pris, les préjugés des animateurs vont immanquablement s’introduire dans les conclusions à dose plus ou moins subtile.

C’est là où commence le danger pour la démocratie réelle et où entrent en jeu les minorités actives, avec, en cas de systématisation, une véritable tyrannie de ces minorités. On en frémit !

Ceux qui ont lu un livre à succès, Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens, Joule et Beauvois , sauront qu’il est facile à une équipe de psychologues sociaux bien entraînés de manipuler les gens, à leur insu d’ailleurs. De telles pratiques utilisées à des fins politiques sont parfaitement envisageables (même envisagées). On peut donc redouter le pire dans le cadre de ces débats participatifs, car la dérive se produirait immanquablement en ce sens, les minorités actives et convaincues cherchant à imposer leurs vues.

Bien sûr, le concept de participation démocratique est séduisant. Depuis le début des années 90, un ensemble de législations diverses en a posé le principe dans des cas précis et limités, en cherchant à multiplier les dispositifs de concertation. Les effets pratiques, dans le sens d'un approfondissement de la démocratie, ne se sont pas réellement produits et ces nouvelles procédures n’ont guère données au citoyen le sentiment qu'il était un réel acteur de la décision. Ces expériences auraient plutôt contribuer a développer un sentiment d’impuissance et de frustration dans le public qui constate que leur avis n’est guère pris en compte.

Comme il est dit dans l’exposé de Loic Blondiaux, universitaire français, ci-joint, la réflexion sur la démocratie participative en France reste pauvre dans le domaine conceptuel, procédural et politique. Et les dilemmes associés à cette notion ne sont pas traités.

Alors on appelle à la rescousse pour promouvoir ce concept les exemples étrangers.

On évoque notamment Porto-Alegre et son budget participatif. L'avis des habitants de cette ville brésilienne étant recueilli pour l'établissement du budget municipal.

Il y a aussi la nouvelle Constitution Bolivarienne du Venezuela basée sur la démocratie participative.

Dans le premier cas. Il faut noter qu'elle est appliquée dans un cadre très limité et selon une procédure pyramidale très élaborée. Mais surtout il ne semble pas que les citoyens ait véritablement apprécié puisqu'ils ont élu en février 2005 un nouveau maire qui remet en cause ce principe.

Dans le second inutile d'en parler, tellement c’est caricatural. Hugo Chavez, son champion au Venezuela, s’est fait voter récemment les pleins pouvoirs pour gouverner par décret pendant les prochains 18 mois. C'est d'ailleurs bien les minorités actives de la révolution bolivarienne qui pilotent ces fameux débats participatifs avec la différence que dans ce cas il n’est guère besoin de psychologues sociaux, l’argent du pétrole distribué suffit amplement pour la manipulation.