vendredi, octobre 14, 2005

T•U•R•K•S

Voilà que resurgit le concept de « l’Europe chrétienne » parmi tous ceux qui s'opposent , et ils sont nombreux, à la Turquie islamiste et son adhésion à l'Europe.

Pourtant nos « Pères fondateurs », maintenant déchus, avaient renié ces origines chrétiennes et ne voulaient surtout pas y faire référence dans leur projet de constitution.

Mais qu’importe, le monde politique n’est pas à une aberration près.

Incohérents également sont ceux qui hier rejetaient, en votant non, le concept d’une Europe politique ou d’Europe-puissance et qui aujourd’hui considèrent que l’accession de la Turquie ruinerait un tel projet alors que de toute façon ils n'en veulent pas.


Absurdes de l’autre coté sont ceux, comme notre chef de l’état, qui rêvent de l’Europe-puissance et sont en même temps en faveur de l’adhésion turque.

Car en effet ces 2 concepts ne vont pas ensemble. Cette adhésion ne peut se concevoir dans le cadre d'une intégration politique forte.

L’Europe politique était déjà une chimère du temps où nous étions 12, à 25 encore plus, avec la Turquie, carrément impossible.

Avant tout, Il faut savoir ce qu’on veut faire de l’Europe : un espace borné à des frontières géographiques supposées naturelles où l’on cherche à protéger frileusement notre « modèle » et notre culture dans un cadre politique uniformisé et rigide, avec le règne de l’état et la bureaucratie de Bruxelles.

Ou au contraire, veut-on que l’Europe s'unisse dans la liberté des nations, avec une grande et généreuse Idée de coopération et de solidarité entre peuples voisins, cherchant ensembles à promouvoir et approfondir la paix, la démocratie, les droits de l’homme, le libre échange, se concertant pour affronter les problèmes mondiaux et s'efforçant d'harmoniser une vision géopolitique commune.

Dans le premier cas la Turquie n’a pas sa place, dans le second, son adhésion est hautement souhaitable !

Pour son bien à elle et pour le nôtre !

Pour la Turquie on peut déjà voir l’effet extraordinaire que ce projet d’adhésion (qui existe depuis 1963) a eu sur la transformation politique et économique de ce pays. (Wall Street Journal Europe, 5 octobre 2005). C'est l’effet de « levier vertueux » du concept de l’Union européenne. Il est indiscutable et spectaculaire (pour tous les membres , anciens, nouveaux et futurs).

Et pour nous. L’histoire démontre amplement que l'ouverture sur l'extérieur a toujours conféré dynamisme et prospérité. Le refus, voire la haine de l’étranger, est « native » chez l’homo sapiens-sapiens. Une des caractéristiques des civilisations progressistes et évoluées est de dépasser ce stade et d’accepter la diversité.

Regrettable que la France se trouve dans le camp des pays les plus réfractaires à cette ouverture. Repli sur soi signifie inmanquablement déclin. Au lieu de craindre 70 millions de concurrents, il serait préférable de se réjouir de 70 millions de clients potentiels.

Et quant à l'islamisation, on est de toute façon amener à s'accomoder avec les musulmans qui sont déjà chez nous et qui ne manqueront pas de se multiplier dans le très proche avenir. Avec l’intégration de la Turquie, la pression d'un islam moderne, sécularisé et progressiste ne pourrait être que bénéfique pour mettre nos propres musulmans dans la même ligne !


Pour me faire des amis, je citerai l’exemple des Etats-Unis. Ils ont cru bon de promouvoir avec le Mexique, le NAFTA (Accord de Libre-Echange Nord-Américain) en 1992 et récemment en 2004 avec l’Amérique centrale le CAFTA-DR (Accord de libre-échange, USA, Amérique centrale et République Dominicaine), alors que le rapport des populations concernées est de plus de 1 à 3, entre les pauvres mexicains et les riches américains, contre un rapport de 1 à 6 seulement entre les Turcs et l’Europe. Ce n’est pas de la générosité de la part des américains, c’est leur intérêt bien compris qu’ils poursuivent. Ils ont considéré qu’il était préférable de chercher à créer de la richesse dans ces pays et ainsi fixer les populations sur place que de les voir déferler à leur frontière.

Mais nous en Europe on a l’habitude de « se tirer dans le pied ». On ne fonctionne qu’à l’idéologie et au tempo du politiquement correct. L’intérêt bien compris on ne veut pas connaître.


P. S. Regrettable aussi pour l'éducation de l'opinion française que cette magnifique exposition :

"T•u•r•k•s" (a journey of a thousand years , 600-1600)
qui a fait courir les foules britanniques pendant plusieurs semaines au début de cette année ne soit pas montrée en France. Nos esprits forts de la Culture Française en ont décidé autrement !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bien sûr, si l'Europe ne doit être qu'un espace économique voué au libre-échange, alors il n'existe aucune raison pour repousser la Turquie. Au fond, même d'autres pays non européens pourraient y entrer, par exemple des pays du Maghreb. Dès lors, ce ne serait plus une Europe unie mais une vaste zone pan-méditerranéenne.

Mais est-on sûr que l'Europe ne sera que cela? Dans quelle mesure le pouvoir des institutions européennes sur les individus s'accroîtra-t-il? Car tant que les choses ne seront pas nettes et claires à ce sujet, il me semble plus raisonnable de s'opposer à l'entrée de la Turquie dans l'Europe. En particulier, la façon dont les hommes politiques décident de l'évolution des choses sans réelle consultation des citoyens laisse mal augurer de la suite. Il ne faut pas déposséder les gens de la faible maîtrise qu'ils ont de leur destin collectif et ensuite s'étonner de leur repli sur eux-mêmes.

Sans évoquer le thème de l'Europe "club chrétien", il existe en outre une foule de préventions que l'on peut voir sur le site d'Hérodote : http://www.herodote.net/editorial0410.htm?main=582523b413cc6fa639d06d5e67591076